Le printemps s’installe. Le passage du mode survie en mode vie peut s’avérer un peu casse-gueule.
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Deux rayons de soleil et le parisien sort, il y a foule sur les quais et les terrasses. La parisienne se sent telle une fleur citadine, qui a poussé en pétant le bitume, toute hirsute, pas super jolie, mais tellement poétique. On sourit comme David Lynch en entendant quelques piafs chanter.
Allons-nous déserter les salles obscures, oublier la lucarne de la TV, éteindre nos portables ? Ce serait dommage, car ce mois d’avril est bourré de vitalité cinématographique et télévisuelle, à nous donner envie de traverser les frontières du périph, de bousculer les codes et de nous évader par écrans interposés.
Poussée de fleurs
Il a fallu trois années de shooting à Jamie Scott pour réaliser ce time lapse d’éclosions florales, intitulé Spring.
Spring from jamie scott on Vimeo.
Jamie Scott a enregistré 8TB de photos 5K, en posant son appareil photo Canon 5D Mark II, muni d’un objectif de 24 mm sur un système de travelling. Il a pu ainsi combiner la prise de photo avec un mouvement de caméra et des plongées fulgurantes sur les floraisons.
Au-delà des difficultés techniques, Jamie a été confronté à la fugacité de certaines éclosions. « Les fleurs de cerisier, par exemple, prennent au moins deux semaines à fleurir et ne sont disponibles que pendant environ six semaines de l’année. Je n’ai eu que trois tentatives par an. » explique-t-il.
C’est au cours du tournage qu’il a réalisé que l’éclosion de certaines fleurs était plus intéressante à filmer en plongée que latéralement. Il a donc modifié une partie de son projet pour intégrer une transition entre les différents points de vue.
Jamie Scott a demandé au compositeur Jim Perkins de composer une musique originale pour accompagner ses images époustouflantes. Il envoyait son montage au fur et à mesure de sa progression, afin que Perkins puisse caler exactement sa musique sur celui-ci.
Le résultat est d’une incroyable beauté et montre que des sujets simples et coutumiers peuvent acquérir une dimension dramatique et cinématographique. Pour peu qu’on prenne un peu le temps !
Séries de frissons
Deux festivals dédiés aux séries télévisées se tirent la bourre aux deux extrémités de la France. Pour les professionnels c’est dur, mais pour le public, c’est une très bonne affaire, puisque tous deux sont ouverts au public et entièrement gratuits.
Au sud, Canneséries s’est déroulé du 4 au 11 avril. Au nord, Séries Mania, à Lille, débute le 27 avril. Les deux programmations ne se résument pas au glamour contre la frite. Outre les projections de séries inédites, sont proposées des expositions, des masterclass et des conférences. On peut regretter que le festival cannois ne présente aucune production française. Mais deux séries sont attendues avec l’impatience du parisien traquant l’éclaircie qui lui permettra d’étrenner ses espadrilles made in Pays Basque. Toutes deux sont présentées hors compétition.
La vérité sur l’affaire Harry Québert, l’adaptation du roman à succès de Joël Dicker a été présenté en ouverture. Cette mini-série réalisée par Jean-Jacques Annaud, compte Patrick Dempsey dans le rôle principal. La diffusion est prévue sur TF1 en prime time.
Une série polar signée Harlan Coben, président du jury de Cannesséries, avec Audrey Fleurot et Michael C. Hall, connu pour son rôle de serial killer de serial killer dans la série Dexter. Safe sera diffusée en exclusivité sur C8 en France prochainement et sur Netflix pour le reste du monde.
Après s’être installé pendant huit ans au Forum des Images de Paris, le festival Séries Mania prend une nouvelle ampleur à Lille. On pourra y admirer le véritable trône de Game of Thrones, exposé à Euralille pendant toute la durée du festival. Un dîner Game of Thrones est également prévu : des chefs vont cuisiner sur le thème de la série. Parmi les autres événements à faire baver les amateurs autant qu’un parisien devant une vitrine de Merveilleux de Fred : une exposition sur Twin Peaks et un marathon comédies, une nuit complète à regarder des séries. Il ne devrait pas y avoir de claquage en vue.
Dans la programmation du festival, une série française ne passera pas inaperçue. Nu raconte un futur dans lequel les vêtements sont interdits. L’intégralité du casting est à poil. Réalisée par Olivier Fox, La première saison de la série sera diffusée en juin sur OCS.
Nu se veut une comédie policière, dont l’intrigue se déroule en 2026. Les gouvernements européens ont décidé de prendre une mesure drastique afin de lutter contre l’insécurité et les menaces terroristes : en public les citoyens doivent être nus pour assurer une complète transparence. Mais le meurtre d’une jeune femme, retrouvée habillée, ravive les tensions. L’enquête est confiée à une jeune inspectrice qui collabore avec son ex partenaire, tout juste sorti du coma, dans lequel il était tombé à l’époque où tout le monde portait encore des vêtements.
Salle d’Arabie
C’est une première fois que tout cinéphile aimerait et espère revivre : la première séance dans une salle de cinéma. Les saoudiens vont bientôt pouvoir vivre cette expérience. Une première salle de sinéma ouvrira le 18 avril à Ryad, capitale du Royaume d’Arabie Saoudite, après 35 ans d’interdiction. Les saoudiens avaient bien évidemment la possibilité de regarder films et séries étrangères à la télévision. Mais ils auront désormais l’opportunité de découvrir les films dans leur environnement naturel, sur un écran géant, au contact d’un public où femmes et hommes pourront se mélanger. L’Arabie saoudite vient en effet de signer un accord avec le groupe américain AMC pour l’ouverture de 30 à 40 cinémas dans une quinzaine de villes durant les cinq prochaines années.
La première salle de cinéma au club culturel de Jeddah
Dans les années 1970, le pays disposait de quelques salles de cinéma mais les chefs religieux en avaient obtenu la fermeture. En 2017, le gouvernement annonçait la levée de cette interdiction, dans le cadre des réformes économiques et sociales menées par le prince héritier Mohamed ben Salman. La salle principale présentera environ 500 sièges en cuir. Trois autres écrans seront ajoutés cet été. Le premier film diffusé est le dernier Marvel Black Panther, qui vient officiellement de dépasser Titanic au box-office, devenant ainsi l’un des films les plus rentables de l’histoire du cinéma.
A propos d’Amir
« Je n’ai jamais connu mon père et ma mère est morte quand j’avais 5 ans, c’est pourquoi, je considère que c’est le cinéma qui m’a élevé. Je l’avais dans le sang à ma naissance et il est une part essentielle de ma personne . J’ai grandi dans la rue, et le cinéma est devenu ma seule maison. Je ne suis jamais allé à l’école, j’ai passé mes journées dans les salles . J’ai fait tout ce qui était possible pour pouvoir aller au cinéma, j’ai vendu des sodas et des friandises, distribué des publicités, à l’occasion j’ai travaillé dans la cabine de projection. »
Ces si belles lignes sur le cinéma sont écrites par le réalisateur iranien Amir Naderi et adressée à Jean-Michel Frodon.
Depuis la Palme d’or décernée à Abbas Kiarostami en 1997 pour Le Goût de la cerise, le cinéma iranien remporte de nombreux prix dans les festivals du monde entier. Pourtant sa puissance créatrice, sa singularité et son ancrage dans une modernité cinématographique sont encore méconnus. Parmi ces réalisateurs ignorés du public français, le Centre Pompidou a choisi de rendre rend hommage pour la première fois en France à Amir Naderi.
Du 5 avril au 17 juin, seront projetés plus de 20 films rares dont certains furent longtemps interdits. Ils retracent la carrière de ce réalisateur, figure majeure de la modernité cinématographique iranienne, avant et après la révolution islamique. Certaines projections, à découvrir dans la programmation du Centre Pompidou, se dérouleront en présence du réalisateur, qui participera également à une masterclass, le samedi 14 avril à 17h. L’entrée est libre dans la limite des places disponibles. La masterclass est également diffusée en direct sur la chaîne YouTube du Centre Pompidou.
On joue à croisements et fusions
« Il y a quatre nouveaux langages qui révolutionnent le cinéma aujourd’hui : la Série, le Transmédia, la Réalité Virtuelle et le MashUp. La première enrichit les personnages, le deuxième déploie les supports, la troisième élargit le champ de vision, lequatrième met l’art du montage au coeur du processus et crée des mariages insolites » indique Julien Lahmi, Directeur artistique du MashUp Festival, qui revient pour sa 6ème édition jusqu’au 19 avril.
Le MashUp puise sa matière première dans le numérique et tous les éléments qu’il met à disposition du plus grand nombre : vidéos, musiques et sons. Il repose sur des emprunts et des recompositions permettant des créer des œuvres singulières. Il se pratique et se diffuse dans le monde entier. Le MashUp ne comprend pas uniquement des vidéos funs et ludiques à même de faire des millions de vues sur la toile. Des vidéos exigeantes relèvent également de ce genre, qui tout en se jouant de la culture populaire bousculent le langage cinématographique. Pour cette nouvelle édition, le festival est parrainé par Cédric Klapish et soutenu par le CNC, CinéTek, Europeana et Arte. Il propose cette année une programmation onirique et prometteuse autour du thème ”Rêves, détournements et utopies” et met à l’honneur le Japon, le documentaire et les séries. Le Festival déploie sa diffusion à l’international en renforçant son implantation aux Etats-Unis et en Asie.
Une fois que vous aurez fait tout ça, vous pourrez profiter du soleil, avec le détachement d’une parisienne.